Les préparatifs

RAPPEL HISTORIQUE


(Opération “Jupiter île d’Oléron” du 30 avril au 1er mai 1945)

Du 30 avril au 1er mai 1945 s’est déroulé sur l’île d’Oléron “l’opération Jupiter”, une action militaire de débarquement maritime (3ème Débarquement de France), visant à libérer de l’occupation allemande, l’une des dernières poches d’occupation après Royan et Le Verdon, libérées du 18 au 20 avril 1945; mais avant La Rochelle et Ré, délivrées le 8 mai 1945; qui échappe encore à l’autorité du Général de GAULLE.


L’Occupation

Installés sur l’île d’Oléron depuis le 29 juin 1940, en raison de sa position stratégique qui commande l’estuaire de la Gironde et les passes menant à la future base sous marine de La Pallice, les Allemands ont eu tout le loisir d’organiser leurs défenses. Dés 1942, contre un débarquement anglo-américain qui, comme en 1917, aborderait la côte Atlantique dans l’un de ses ports, puis à partir de 1944 contre un ennemi puissant qui viendrait du continent. Dans une directive du 17 août 1944 émanant du Führer lui même, Adolf HITLER engageait ses troupes “à tenir jusqu’au bout” à l’intérieur des derniers bastions de l’Atlantique.
Pour cela l’Organisation Todt, chargée de l’élaboration du “mur de l’Atlantique”, a construit sur les pourtours de l’île 32 stützpunkt (points d’appuis) et 42 positions de campagne, comportant pour certains des pièces d’artillerie allant de 75 à 155 mm . Cependant, seules 11 positions sont achevées en 1945. Ces ouvrages sont complétés sur les plages par des tétraèdres en béton, des éléments Cointet, des hérissons tchèques et des “pieux à Rommel”, destinés à éventrer à marée haute d’éventuelles péniches de débarquement. Sans oublier les champs de mines qui constituent un deuxième rideau de défense.

La garnison allemande qui dépend du secteur de La Rochelle (vizeadmiral Ernst SCHIRLITZ), est commandée depuis janvier 1945 par le korvettenkapitän Alfred GRAF SCHILTZ VON GÖRTZ UND VON WRISBERG qui a son PC avenue Bel-Air à“ Saint-Pierre d’Oléron. Elle comporte environ 2 200 hommes, dont 1 380 sont issus de la Kriegsmarine.
Ils appartiennent pour la plupart au leichte Marine-Artillerie-Abteilung 687 (Groupe d’artillerie côtière légère 687) commandé par le korvettenkapitän Werner SCH-EFFER. Ce groupe d’artillerie comporte 3 compagnies mobiles d’intervention (soit 690 hommes, parmi lesquels se trouvent 40 russes, 50 polonais et 25 autrichiens) basées respectivement à Dolus, à Saint-Pierre et à Saint-Georges ; et 3 batteries d’artillerie (370 hommes). Les batteries comportent pour l’une, 16 canons de 75 mm hippomobiles et 6 obusiers de 155 mm Schneider, pour l’autre, la leichte schützen-kompanie (compagnie d’appui légère), 7 canons antiaériens de 25 mm et 11 mortiers de 81 mm, et enfin pour la dernière, une compagnie antichars dotée 12 PAK de 37 à 50 mm . 320 hommes dépendent du Marine-Flakartillerie-Abteilung 812 (Groupe naval d’artillerie antiaérienne 812) ou MaFla 812, appartenant à la Marine-Flak-Brigade V (dont le PC est à Saint-Nazaire), créé en mars 1942 entre les îles de Ré et d’Oléron, composée pour sa part, de 3 batteries (dont 2 de 75 mm Flak M 35 Vickers) et d’une demi compagnie de 6 projecteurs Siemens de 150 cm. L’ensemble est sous les ordres de l’oberleutnant KRÖNER. Enfin, les soldats de la 2 Komp / 3 Funk-Mess-Abteilung (2ème compagnie du 3ème bataillon de surveillance radioélectrique) servent les installations radar et transmission optique de la Pointe de Chassiron.
350 hommes dépendent de la Wehrmacht et servent soit au sein du Heeres Kotier Artillerie Abteilung 1280 (Groupe d’artillerie côtière de l’armée de terre 1280) du hauptmann MÜLLER. Il remplace depuis octobre 1944 le HAA 1180 du major SORG (parti renforcer le secteur de La Rochelle) et compte 4 batteries de tir (230 hommes). Les autres sont rattachés soit à la 6ème compagnie d’infanterie de forteresse du 80ème Corps (6/Festa LXXX) du hauptmann GÜnter JUNG (120 hommes), unité cycliste cantonnée également à Saint-Pierre, soit à la Fest Nachr Stab 2/6 (2ème compagnie du 6ème bataillon de transmissions d’état-major), installée à Saint-Georges.
Une compagnie de 163 Italiens (anciens sous-mariniers de Bordeaux), issus du bataillon San Marco, commandée par le tenante di vascello Massimo DI PACE, s’occupe principalement des tâches administratives et des servitudes au profit de leurs alliés, qui ne leur accordent qu’une confiance limitée depuis la capitulation de l’Italie.
Le reliquat provient d’un renfort du Marine Regiment Zapp de La Rochelle (250 hommes), envoyé le 15 avril 1945 et de combattants ayant réussi à échapper à la capture, après avoir traversé le Pertuis de Maumusson le 18 avril 1945, lors des combats de Royan.


A la veille du débarquement, selon la propre estimation du korvettenkapitän SCH-EFFER, les munitions sont suffisantes pour tenir 2 ans; mais le ravitaillement, 2 mois. De plus, le moral de la garnison allemande est très bas, puisque depuis plusieurs jours, les positions reçoivent quotidiennement un déluge d’artillerie. Plusieurs positions du nord et de l’ouest de l’île ont été démontées entre septembre et décembre 1944 pour être redéployées au sud et à l’est. Ainsi, les puissantes positions de la Pointe de Chassiron sont quasiment abandonnées, de faux canons en bois remplacent les vrais. Plusieurs positions enterrées, reliées par des tranchées et défendues par des mines et des barbelés sont réalisées en bordure des axes principaux qui relient les communes de l’île. Au total 32 000 mines ou engins piégés de tout type auront été posés sur Oléron.

Les préparatifs

Le 24 avril 1945, le général de Corps d’Armée Edgard de LARMINAT, établit à Cognac dans son ordre d’opérations n° 9, le plan d’exécution pour la libération d’Oléron. A cette fin, a été mise sur pied, le 13 mars 1945, la ” Division de marche Oléron “, confiée au général de Brigade René MARCHAND. Elle est composée pour l’infanterie de 3 bataillons du 158ème R.I (ex brigade de l’Armagnac et ex bataillon de Bigorre / FFI), de 2 bataillons du 50ème R.I (ex brigade RAC / FFI), d’un bataillon du 131ème R.I (ex maquis de Mussy Grancey dans l’Aube), du 6ème Bataillon Porté de Tirailleurs Nord-Africains (6ème B.P.T.N.A composé de nord africains libérés des camps de Gironde), du Bataillon de Fusiliers Marins de Rochefort (ex Corps Francs Marins / FFI), du Groupe Franc Marin Armagnac (ex corps francs ” Marennes et Seudre “, Lucien LECLERC, Camille ROUDAT et Antony DUBOIS) et du Corps Franc d’Aviation ” Le Gaulois “. La presque totalité des recrues est issue des maquis, l’armée régulière étant absorbée par les combats dans les Vosges. Des dissensions apparaissent très vite entre l’état major du général MARCHAND et le chef de corps du 158ème R.I, le lieutenant-colonel Henri MONNET, soucieux d’épargner au maximum la vie de ses hommes. Pour couper court au récalcitrant, le lieutenant colonel René BABONNEAU, officier d’active qui a servi dans les rangs de la Légion Etrangère, est nommé chef de corps du 158ème R.I. Mais n’ayant aucune prise sur les hommes, il demande à son prédécesseur de garder son poste, en lui proposant de devenir son conseiller technique.

Le débarquement maritime initial est prévu pour le 29 avril, mais les conditions météorologiques reporteront l’opération de 24 heures. Entre temps, 24 péniches américaines de type LCVP (Landing Craft Vehicle Personnel) sont livrées par voie ferrée à Rochefort, puis acheminées par le canal Bellevue de la Charente à la Seudre jusqu’à Marennes.

À compter du 17 avril 1945, plusieurs sorties aériennes de bombardement sont effectuées. Le 17 dans l’après-midi, les bombardiers moyens bimoteurs Martin B26C Maraudeur de la 11ème brigade de bombardement de Saint-Dizier interviennent sur la citadelle du Château-d’Oléron, touchée par 96,5 tonnes de bombes. Le 19, c’est au tour de la Pointe de Gatseau, et de nouveau la citadelle du Château, ainsi que Boyardville, traités depuis la base de Cognac, par les Forces Aériennes de l’Atlantique (FAA) : groupes de chasse “Saintonge” (Spitfire Mk V) et “Vendée” (Dewoitine 520 et Douglas A 24), groupes de bombardement “Aunis” (Junker Ju88A), groupe de reconnaissance “Périgord” (Morane-Saulnier 500, Nord 1000 et Potez 631), placées sous le commandement du général de Brigade Edouard CORNIGLION-MOLINIER ; renforcées du Groupe Aéronaval n° 2 (G.A.N 2) du capitaine de frégate Francis LAINE, équipé de 32 Douglas SBD Dauntless, et du 26th squadron de la R.A.F, équipé de Mustang. Le 25 avril, la batterie de la Giraudière reçoit 31,5 tonnes de bombes larguées par 10 Ju 88 et 23 Douglas SBD, tandis que la Pointe d’Ors est attaquée par 12 Spitfire en piqué. Le 28 avril, 11 Ju 88 bombardent la batterie Flak de Boyardville avec 19 tonnes de bombes, tandis 12 Spitfire traitent celle de Saint-Pierre.


La 13th Field Artillery Brigade (13ème brigade d’artillerie U.S) commandée par le Brigadier General BANK, composée des 999th FAB, 235th FAB, 514th FAB et 257th FAB (Field Artillery Battalion) entame le même jour le pilonnage systématique des positions allemandes à l’aide de ses obusiers de 155 et 203 mm.
De même, une “French Naval Task Force”, commandée par le contre amiral Joseph RÜE a été constituée précipitamment en Angleterre le 12 avril 1945 pour fournir un appui aux troupes au sol depuis le croiseur Duquesne, les torpilleurs Fortuné, Basque et Alcyon, les escorteurs Aventure, Surprise, Découverte, Hova, le groupe de dragueurs de mines Amiral Mouchez et la 31st (Canadian) Minesweeper Flotilla. Ces bâtiments croisent à partir du 27 avril au large de la côte Ouest de l’île, et engagent les positions bétonnées grâce aux 4 tourelles de 203 mm du croiseur Duquesne (700 coups tirés), guidé par les avions du G.A.N 2.
Le 25 avril 1945, deux groupes de résistants commandés par le capitaine LECLERC sont infiltrés dans l’île avec des moyens radio afin de renseigner sur les positions, les mouvements de l’ennemi et coordonner les actions de sabotage (coupure des lignes téléphoniques, destruction des moyens de transport et mise en place de barrages aux carrefours). Le même jour, le 1er groupe du 12ème Régiment d’Artillerie prend position aux abords de la plage de Marennes.