La libération d’Arvert

Opération Vénérable
Royan et Presqu’île d’Arvert – 13 au 18 avril 1945

L’Occupation

Les troupes allemandes, en fait deux détachements de la 44ème division de la Wehrmacht, arrivent à Royan et dans sa région le 23 juin 1940. Leur mission est de contrôler l’estuaire de la Gironde qui commande l’accès au port de Bordeaux. Les Allemands s’installent principalement dans les hôtels et les écoles de la ville.A partir de juillet 1941, l’Etat-Major de la marine pour le golfe de Gascogne (Seeko Gascogne), commandé par un amiral, occupe l’Hôtel du Golf de Pontaillac ; l’hôtel Océanic à Vallières devient un hôpital ; la Kreiskommandantur 730 est à Foncillon avant d’être déplacée en 1942 sur Rochefort. Le port reste fréquenté par des navires de faible tonnage, parfois des chalutiers transformés en patrouilleurs.En décembre 1941, le Pio.Btl.327 de l’Oberstleutnant HUMBERT participe aux premiers travaux d’édification de points d’appuis (le fameux ” mur de l’Atlantique “) avec le Fest.Pio.stab.28 de l’Oberst SCHULTZ basé à Royan et l’Oberbauleitung PAULA de l’Organisation Todt. Les travaux prenant plus d’ampleur dès octobre 1942 grâce à l’Organisation Todt, ils seront supervisés par le Pionere Führer de l’AOK 7 (7ème Armée), le Generalmajor Otto SCHAUM. Les batteries de Chay, Suzac et de la Coubre sont aménagées dès mars 1942.
Fin 1942, la Wehrmacht étudie la possibilité d’un débarquement allié sur les côtes atlantiques et décide de protéger l’embouchure de la Gironde.
En janvier 1944, un plan de ” forteresses ” est établit pour Royan et Soulac. Le colonel POHLMANN, nommé commandant des troupes de Royan début juin 1944, reçoit mission à Poitiers, le 18 août, de défendre coûte que coûte le réduit.Le contre amiral Hans MICHAELLES est à la fois le commandant militaire des poches de Royan et du Verdon (” forteresse de Gironde “), mais aussi depuis le 28 août 1943, ” commandant à la mer ” du golfe de Gascogne. Le 12 septembre 1944, le colonel POHLMANN décrète l’état de siège. Les canons du mur de l’Atlantique (218 ouvrages bétonnés avec 150 canons établis entre Ronce-les-Bains et Suzac), protégés par 180 000 mines antipersonnel et 35 000 mines antichars (1 129 hectares), ainsi que des défenses antichars en béton, sont retournés vers l’intérieur du pays. Les effectifs comportent 5 500 hommes, encadrés par 106 officiers, répartis en 17 compagnies d’infanterie, 14 batteries d’artillerie dépendant des Leichte Marine-Artillerie-Abteilung 618 et 284 (Groupes d’artillerie côtière légère 618 et 284), 50 équipes de lance-fusées, 4 batteries de DCA, 1 compagnie de pionniers et le bataillon Tirpitz du Fregattenkapitän Fritz DREVIN (regroupant 800 marins rescapés de la 2ème Sperrbrecherflotille. Anciens cargos équipés pour le dragage des mines magnétiques, coulés en août et novembre 1944), déployé le long de la Seudre. Les Allemands cependant ne disposent ni de chars, ni d’aviation, ni même d’essence. Pour verrouiller leur point faible entre Meschers et la Seudre, des petits postes de combat sont établis et trois centres de défense principaux sont aménagés, à Jaffe, Belmont et Vaux, avec de nombreux bunkers fortement armés.
Le 4 septembre 1944, des commandos allemands sont envoyés sur Saintes et Jonzac pour récupérer matériels et ravitaillement.
Le 11 novembre 1944, après le bombardement par les Alliés du port de Royan et la destruction de plusieurs navires, le colonel POHLMANN est relevé de ses fonctions et remplacé par le commandant Ritter VON BERGER.

La Résistance

La Résistance s’organise, tout d’abord avec les communistes qui créent les groupesGermain composés d’une cinquantaine d’hommes menés par le facteur Roger BOLLEAU. Ils récupèrent des armes et font de la propagande anti-vichyste en s’attaquant aux partis collaborationnistes comme le Rassemblement National Populaire de Marcel DEAT ou la Légion des Volontaires contre le Bolchevisme. Cependant, Roger BOLLEAU et les professeurs Robert DARTAGNAN et Léonce LAVAL, arrêtés le 7 mars 1942, seront fusillés au mont Valérien le 21 septembre 1942.
Au début de l’automne 1942, l’OCM (Organisation Civile et Militaire) s’implante timidement à Royan par le biais de Mlle Madeleine FOUCHE et des commandants Gaston THIBAUDEAU et Robert BAILLET. Ce dernier sera arrêté une première fois en septembre 1942, mais prendra tout de même à l’été 1943 la direction de l’Armée Secrète dans le sud de la Charente-Maritime, puis pour l’ensemble de la Charente. Il sera de nouveau arrêté le 5 septembre 1943à Angoulême, condamné à mort le 22 décembre 1943, il sera finalement fusillé en Allemagne, à Ludwigsbourg-Poppenweiller. D’autres patriotes rejoignent le mouvement comme le pasteur Samuel BESANÇON, Paul BOUCHET, DARROUX et quelques autres. En novembre 1944, Paul BOUCHET, chef de la résistance intérieure à Royan, et quatre autres résistants sont arrêtés et condamnés à mort. Le colonel Henri ADELINE intervient, avec succès, auprès de l’amiral MICHAELLES, pour qu’ils ne soient pas exécutés, mais incarcérés à la villa Déli, avenue de Pontaillac, transformée alors en fortin.

Les préparatifs

Le siège de la poche de Royan débute le 9 septembre 1944. La poche, séparée de celle de La Rochelle depuis le 12 septembre 1944, s’étend des rives sud de la Seudre jusqu’à l’Eguille puis suit une ligne passant par le sud de Saujon, Cozes, jusqu’à Meschers. Le secteur de la presqu’île d’Arvert et de l’île d’Oléron dont le PC est à Marennes, est tenu par des maquisards venus de Dordogne : la Brigade RAC, le bataillon Roland, les groupes ” Castel-Réal ” (capitaine Lucien Leclerc), ” Gambetta ” (capitaine Elie ROUBY) et ” Vézère ” (Pierre de FLEURIEU).Le 18 septembre, le général de GAULLE, en visite à Saintes confirme le colonel Henri ADELINE, ancien chef des maquis de Dordogne-Sud, commandant FFI du secteur (il sera officiellement nommé le 5 octobre 1944) et décide de ” faire en sorte que les combats de la côte atlantique finissent par une victoire française “*. L’attaque doit être menée uniquement par des fantassins français mais de GAULLE promet un renforcement d’artillerie, de chars et d’avions alliés. Enfin il donne l’ordre de surseoir à tout bombardement aérien non justifié par quelque incartade de l’ennemi. Royan est sans doute choisi car la garnison ennemie est la plus faible de toutes les poches et que le patrimoine de la ville n’est pas aussi important que celui de La Rochelle par exemple.7 000 maquisards des Forces Françaises de I’Intérieur (FFI) du colonel ADELINE, soit les groupements Z, RAC et Roland de l’Armée Secrète gaulliste de Dordogne et Bernard des FTPF communistes de Charente sont rassemblés autour de la poche. Mal armés, ils ne peuvent percer les puissantes défenses de l’ennemi. Les tentatives de médiation pour une reddition n’aboutissent pas mais l’épineux problème des combattants sans uniformes est réglé : Les FFI seront reconnus, et traités comme prisonniers de guerre – en dépit des ordres du haut commandement allemand qui les considère comme des terroristes à fusiller – à la condition de porter un brassard tricolore cousu au bras gauche comme signe distinctif, en attendant les uniformes.Le 30 septembre 1944, la brigade de l’Armagnac, en provenance de Toulouse, via Bordeaux, s’installe face à la presqu’île d’Arvert et l’île d’Oléron. Le P.C. de la Brigade et ses services sont à Port d’Envaux, le 2ème bataillon occupe une seconde ligne, le 3ème bataillon est en réserve. L’activité de la troupe se borne à renforcer les avants postes et à patrouiller aux abords de la Seudre. L’artillerie, les armes automatiques font toujours des blessés et des morts. Les Français et les Allemands souhaitent faire la guerre sans être gênés par des civils, aussi un accord est passé le 8 octobre 1944 pour évacuer 8 000 “bouches inutiles” civiles, dont 4 000 à Royan et 4 000 dans la presqu’île d’Arvert. Ces évacuations auront lieu entre novembre 1944 et janvier 1945.
A l’automne, l’opération Indépendance est projetée pour libérer la poche de Royan, mais le déficit en artillerie et en chars sur le front de l’atlantique repousse sa réalisation au 25 novembre, puis au 25 décembre et au 10 janvier, avant son annulation en raison de l’offensive allemande dans les Ardennes, le 16 janvier 1945. Les FFI, renforcées par des maquisards du Gers et des Hautes-Pyrénées, atteignent alors 11 000 hommes.
Le 11 septembre 1944, le Major REISINGER, commandant l’artillerie côtière allemande, est capturé par les FFI des groupes Wagner et François (rattachés à la section spéciale de sabotage ” SSS ” de Jacques NANCY), sur la route du Gua, à la sortie de Saujon, au lieu dit ” Camp de César “.
Les soldats en guenilles et en sabots s’ennuient et mènent une bataille de canards dans l’eau glacée des marais au milieu d’une effroyable pénurie. Pieds gelés, gale, fièvres, tumeurs et maladies pulmonaires ne sont pas rares et les médicaments manquent autant que les vivres.
Enfin, une nouvelle opération, baptisée Vénérable est mise sur pied par le général Edgard de LARMINAT, nommé depuis le 14 octobre 1944, commandant le Détachement d’Armée de l’Atlantique (DAA), dépendant de la VIème Armée U.S du Lieutenant général Jacob DEVERS, basé à Vittel. Le général de LARMINAT transforme les FFI en Forces Françaises du Sud-Ouest (FFSO), dès le 27 octobre 1944, dirigées par le colonel Bernard CHENE (10 700 hommes) pour le secteur de La Rochelle, le colonel Jean de MILLERET (5 000 hommes) pour la Pointe de Grave et le colonel Henri ADELINE (10 040 hommes) pour le secteur Royan-Oléron. Aussitôt, le groupement Z est déployé à Talmont, Bernard devant Médis, RAC à Saujon, Armagnac devant Mornac et Roland occupe Marennes.
Fin novembre 1944, le Front de Royan a été renforcé de la 33ème Demi Brigade FFI et du régiment FRUGIER, mais ne compte plus que 8 918 hommes puisque les soldats présents ont été invités à choisir entre un engagement pour la durée de la guerre ou un retour à la vie civile.Dans son rapport à son nouveau chef, le colonel ADELINE demande, avant toute attaque, des bombardements massifs par l’aviation alliée afin d’écraser les défenses ennemies, il n’envisage l’action des troupes FFI, mal encadrées et peu aguerries, que pour occuper le terrain derrière les blindés.Le 15 décembre 1944, le Corps Franc Marin de la Seudre, commandé par le capitaine de corvette Lucien FOURNIER, enlève et ramène 7 soldats F.F.I. prisonniers des Allemands. Le 22 décembre 1944, une patrouille de 11 hommes attaque un poste ennemi à Coux, sur la Seudre, 4 Allemands sont tués. Le matin du 5 janvier 1945, deux vagues de 300 bombardiers Lancaster de la Royal Air Force attaquent Royan entre 4 h et 5 h 43, la ville est détruite à 90 % provoquant plus de 1 000 morts dans la population civile.
Les infiltrations allemandes dans les lignes amies sont toujours redoutées, voire un débarquement en force. Une opération de cet ordre a lieu le 19 janvier 1945. Montés sur des barques, une centaine de soldats allemands tentent de traverser la Seudre afin de neutraliser les avant-postes. Mais ils ont été arrêtés par les armes lourdes. Du 3 au 15 février 1945 notamment, on assiste à des duels d’artillerie de part et d’autre de la Seudre. L’observatoire installé en haut du clocher de Marennes est pour l’ennemi une cible de choix.
Le 16 février 1945, le Corps Franc Marin ” Marennes et Seudre ” (appartenant au 158ème R.I), commandé par le capitaine de corvette Lucien FOURNIER, réalise sa 32ème traversée du fleuve et attaque par surprise le blockhaus Freiburg de la Pointe du Mus-de-Loup (embouchure de la Seudre), 8 Allemands de la 4ème compagnie du bataillon Tirpitz sont faits prisonniers, une pièce d’artillerie légère est récupérée, le blockhaus est détruit. Le 6 avril 1945, le même Corps Franc Marin, perd son chef, le capitaine Elie ROUBY, grièvement blessé par l’explosion d’une mine antipersonnel. Il sera amputé des deux jambes et fait compagnon de la Libération.
L’ordre d’opération n° 6 du général Edgard de LARMINAT doit se dérouler en deux phases, ayant respectivement comme objectifs :

  • Le dégagement de l’estuaire de la Gironde, par la conquête de la Pointe de Grave (opération Médoc) et de Royan (opération Vénérable).
  • La consolidation des résultats acquis par la libération de l’île d’Oléron (opération Jupiter) et une diversion dans le secteur de La Rochelle (opération Mousquetaire).

Le général de LARMINAT reçoit tout l’appui nécessaire, soit 30 400 hommes, dont un tiers de troupes originaires du Maghreb et des Antilles, en provenance de la 1ère Division Française Libre du général Pierre GARBAY et de la 2ème Division Blindée du général LECLERC, commandée sur le terrain par son adjoint le général de brigade Paul GIROD de LANGLADE**.
La division de marche Gironde forte de 23 715 hommes, aux ordres du général André d’ANSELME, attaquera directement Royan, en progressant en deux groupements :

  • Le groupement Nord du général Pierre GRANGER est chargé de l’attaque sur l’axe Médis, Belmont, Royan avec le 4ème Régiment de Zouaves, le 1er Bataillon du 50ème R.I, le 2ème Bataillon du 131ème R.I, le 18ème Régiment de Chasseurs à Cheval (chenillettes Lloyd Carrier), le 12ème Régiment de Cuirassiers (chars Sherman), un Corps Franc de l’Air, le 3ème escadron du 1er Régiment Blindé des Fusiliers Marins (chars M10), le 20ème Régiment d’Artillerie, 2 groupes de 105 de la 2ème D.B, 2 groupes de 90 du Régiment de Canonniers Marins et des groupes du génie de la 2ème D.B.
  • Le groupement Sud du général Henri ADELINE doit attaquer sur l’axe Musson, Saint-Georges de Didonne, Pointe de Vallières avec le sous groupement Louis FAULCONNIER, composé du Bataillon de Marche n° 2, du Bataillon de Marche Antillais n° 5 du colonel TOURTET, du Bataillon de Bigorre, du Bataillon Foch, de 2 escadrons du 13ème Régiment de Dragons (chars B1 Bis), d’un escadron du 1er Régiment Blindé des Fusiliers Marins (chars M10), de 3 groupes de 75 du 32ème R.A, du 64ème R.A (obusiers de 105 mm) et d’une compagnie du 151ème Bataillon du Génie. Le sous groupement FRUGIER aligne de son côté le 107ème R.I, le 1er bataillon du 158ème R.I, le 1er escadron du 13ème Régiment de Dragons (chars Somua S35), une batterie de 75 du 12ème R.A et deux sections du 92ème Bataillon du Génie. Des renforcements sont possibles grâce aux trois escadrons blindés du 12ème Régiment de Chasseurs d’Afrique, de deux bataillons (1er et 3ème) du 131ème R.I, d’un escadron de chars M10 du 1er Régiment de Spahis Marocains et d’un groupe de 155 mm du 32ème R.A.

La brigade de marche Oléron de 6 730 hommes, aux ordres du général René MARCHAND, débarquera sur la rive gauche de la Seudre afin de libérer la Presqu’île d’Arvert. Cette brigade est composée du 158ème R.I, de deux bataillons (2ème et 3ème) du 50ème R.I, du Bataillon de Fusiliers Marins de Rochefort, d’un groupe de 75 du 12ème R.A, d’un groupe de 155 du Régiment de Canonniers Marins et d’une compagnie du 92ème Régiment du Génie.
L’imposante escadre de la French Naval Task Force, la FNTF du contre-amiral Joseph RUE avec 25 bâtiments, dont le cuirassé La Lorraine et le croiseur Duquesne, précédée par la 31ème flottille canadienne de sept dragueurs de mines pour nettoyer l’estuaire apportera un impressionnant appui feu.
Dans la nuit du 12 au 13 avril 1945, lors d’une ultime reconnaissance dans les lignes ennemies, le sergent André LECETRE, passeur du Corps Franc Marin ” Marennes et Seudre ” est tué par les Allemands.

Journée du 14 avril 1945

La bataille pour la prise de Royan commence par un important bombardement américain dans la nuit du 13 au 14 avril 1945 : 1 150 forteresses volantes et B26 Marauder de la 42nd US Bomb Wing du Brigadier général John P.DOYLE, larguent 3 000 tonnes de bombes sur le réduit (Jaffe, Belmont, Vaux-sur-Mer…), les Américains bombardent le réduit avec 725 000 litres de napalm, nouveau liquide incendiaire expérimenté pour la première fois. Le résultat est décevant, les blockhaus ne sont pas détruits, mais spectaculaire, car c’est une vision dantesque : la terre, le sol même flambent. Les ruines ne sont plus qu’un infernal amas de pierres calcinées et de ferrailles tordues. Le samedi 14 avril, l’artillerie sol-sol se déchaîne pendant 15 minutes. Le pilonnage par la flotte de haute mer et par 210 pièces d’artillerie sur les défenses côtières de Saint-Sordelin et des Ajoncs est impressionnant. Parallèlement, les troupes au sol attaquent, accompagnées de résistants qui leur indiquent l’emplacement des champs de mines, tous les avant-postes, appuyés par 62 appareils français d’attaque au sol et 260 anglo-américains. Dans l’après-midi, Médis, Semussac, Meschers sont libérés. La Brigade Oléron effectue une diversion sur la Seudre.

Journées des 15 et 16 avril 1945

Le 15 avril, l’ouvrage de Belmont, après une vive résistance, tombe, tandis que Boube, Le Peuh, Didonne et la Pointe de Vallières sont conquis.
Le 16 avril, la Division Gironde termine la libération de Royan et de Saint-Georges de Didonne. Les ouvrages fortifiés du port, du Chay, de Pontaillac et du bois de Bellamy sont pris par le 4e Zouaves. Les résistants condamnés à mort, détenus à Saint-Palais, se libèrent eux-mêmes en désarmant leurs gardiens. 550 bombardiers pilonnent Jaffe et la Coubre, les ouvrages de Vaux puis de Jaffe sont enlevés par le 4e Zouaves. Saint-Georges et Vallières sont nettoyés, après une résistance acharnée. Précédés par le Groupe Franc Marin Armagnac du capitaine de corvette Lucien FOURNIER, deux éléments, ceux de du lieutenant colonel Rodolphe CEZARD (Brigade RAC / 50ème R.I) et du lieutenant colonel Henri MONNET (Demi Brigade Armagnac / 158ème R.I) traversent la Seudre le 16 avril sous le feu des batteries d’artillerie allemandes d’Oléron en direction de Chaillevette, Arvert et la Tremblade. Dans une barque, le commandant CELERIER de SANNOIS, second du 158ème R.I est mortellement touché par des éclats d’obus, ainsi que le lieutenant NICOLAS et plusieurs hommes. La progression est difficile dans un environnement composé de marécages, de parcs à huîtres truffés de mines, battus par de nombreux blockhaus. Les commandos du capitaine Adrien CAPIN sont maîtres de La Tremblade avant midi, ceux du commandant FOURNIER atteignent Ronce-les-Bains dans la soirée. A 18 h 00, l’opération est terminée, la Presqu’île d’Arvert est libre, à l’exception de la Coubre, la jonction est faite avec les blindés des fusiliers marins. Il y eu des pertes dues aux tirs de l’artillerie ennemie et aux mines : 8 tués dont 4 officiers et 19 blessés.

Journées des 17 et 18 avril 1945

Le mardi 17 avril, la Division Gironde nettoie Royan, le réduit de la Coubre est soumis à un violent bombardement aérien. La fumée et la chaleur intense de la forêt en flamme gênent l’attaque de la Brigade Oléron, mais les compagnies du 158ème R.I étendent cependant leur action sur la totalité de la presqu’île d’Arvert. Elles nettoient la forêt de la Coubre et font des prisonniers. Le 4e Zouaves, toujours en première ligne, attaque le blockhaus de MICHAHELLES à Pontaillac. Après une vive défense, l’amiral se rend avec 12 officiers et 97 sous-officiers et hommes de troupe. Le général André d’ANSELME arrête les opérations et ouvre des pourparlers avec les 800 marins du bataillon Tirpitz qui défendent la Coubre. Le matin du mercredi 18 avril, ils se rendent et défilent devant leurs vainqueurs en grand uniforme car le général de LARMINAT, toujours chevaleresque, leur accorde les honneurs militaires. La victoire est totale. L’ennemi, écrasé sous 153 550 obus et 10 000 tonnes de bombes, compte 900 tués ou disparus et 4 600 prisonniers dont 220 blessés. Mais les pertes françaises sont lourdes, 154 tués et 700 blessés, sans parler des quelques dizaines de victimes civiles. Dans son ordre du jour de victoire, le général de LARMINAT déclare à ses troupes : “Vous pouvez être fiers de votre œuvre. Vous avez bien mérité de la Patrie”. Le général LECLERC, qui avait refusé de le rencontrer car il n’appréciait pas d’avoir été contraint d’aller à Royan lui écrit qu’il acceptera à nouveau de combattre sous ses ordres, mais que la gloire pouvait être obtenue dans l’invasion de l’Allemagne mieux que sur le Front de l’Atlantique et que l’histoire décidera lequel de ces objectifs contradictoires primait sur l’autre**. Les unités s’établissent sur les territoires nouvellement libérés jusqu’au 30 avril. Des accidents dus aux mines feront encore 4 tués et de nombreux blessés durant cette période qui prélude à l’attaque de l’île d’Oléron.
Lors de la revue, par un temps splendide, le dimanche 22 avril dans la plaine des Mathes, le général de GAULLE salue cette victoire française qui prouve l’efficacité de l’armée nouvelle et déclare que le travail a été bien fait. Au milieu d’une débauche d’uniformes colorés des zouaves, tirailleurs et autres troupes régulières, les FFI se remarquent par la note sévère de simples tenues kaki. Les membres de la Résistance, alignés sur la route presque devant l’estrade du général, mais en parents pauvres, sont décontenancés et déçus. De nombreux combattants sont décorés, dont LARMINAT, d’ANSELME, RUE, CORNIGLION-MOLINIER, ADELINE et le 4ème Zouaves, qui reçoit une dixième palme à la Croix de guerre de son drapeau pour avoir pris la plus large part dans cette victoire, fait plus de 2 000 prisonniers dont l’amiral, mais compte 60 tués et 250 blessés. Puis de GAULLE traverse rapidement le chaos de désolation et les ruines désertes de Royan et fait part de sa tristesse devant un tel désastre. Le général ROYCE n’est pas oublié puisque le gouvernement du général de GAULLE le fait commandeur de la Légion d’honneur le 26 mai suivant.* De Gaulle – ” Mémoires de guerre ” – tome 3.** Le général LECLERC aurait été très désappointé de ” terminer la guerre dans les parcs à huîtres de Marennes ” selon le général de LANGLADE (” En suivant Leclerc “).